mercredi 24 février 2010

Humeur du Jour

ON N’EST JAMAIS CE QUE L’ON PARAÎT ?

Commençons par mettre une bonne claque à tous ces dictons, poncifs et autres lieux communs.

Bien souvent il a été dit de moi ou de vous :

« Dès lors que l’on te connaît, on se dit que ton physique ne reflète pas ta véritable personne ».

Que faut-il en penser ?

Que l’habit ne fait pas le moine ?

Qu’au fond, si on se donne la peine de creuser, on découvre chez une personne jugée à la va vite, une toute autre personne, sous entendu plus intéressante ?

Qui faut-il incriminer dans ce cas ?

La personne qui cache son être sous le paraître et par conséquent ment, ou l’abruti(e) qui lui fait face et qui, à bien y réfléchir, s’est foutu(e) à la seconde même où elle a prononcé cette phrase, tête baissée dans la bêtise qu’elle condamne.

Et si tout compte fait l’habit faisait le moine !

Le jugement de l’autre, à savoir celui qui découvre ce qu’il ne soupçonnait pas de vous trente secondes avant (personne qui en passant se targue de ne jamais juger quiconque alors que plus menteur qu’il n’est, ça n’existe pas sauf Pinocchio (noter qu’il n’est….avec nez de pantin de bois)) serait totalement faux.

L’habit fait le moine….car comme m’a dit un jour un homme d’une remarquable intelligence décelée avec ou sans habit de moine :

« Notez mademoiselle qu’excepté mardi gras, lorsque l’on croise un moine, il y a de forte chance que s’en soit un »…. Méditation (en plein dans le sujet sans le vouloir).

Il faut bien avouer que notre allure, notre prestance reflètent plus souvent ce que nous sommes et que quand bien même tout cela ne serait qu’artifice pour nous protéger, rester secret le plus longtemps possible… l’acte même de se parer d’un manteau de mensonges fait de nous, certes des imposteurs mais révèle une part de ce que nous sommes…le mensonge n’est donc qu’une vérité erronée ou tronquée.

Allons soyons honnêtes quelques secondes avec nous-mêmes.

Peut être est-ce cela la différence entre vérité et réalité.

Lorsque nous nous cachons sous une carapace, qu’elle soit de l’ordre de la timidité ou de l’excentricité, une part de notre être a consenti à faire cela. Nous avons joué avec nos cartes délibérément. L’inconscient aurait-il sa place ? De toute façon notre inconscient c’est nous.

Certes le regard de l’autre a sûrement penché dans la balance. Le regard porté sur nous dans notre jeunesse. Celui qui vous a conforté pendant de longues années sur l’image que vous reflétiez ou qui au contraire vous a poussé à faire l’inverse de ce que vous auriez fait spontanément.

En fait quand sommes-nous véritablement nous-mêmes ?

Jamais ou toujours…ça doit être ça.

Etais-je moi ce jour où j’ai snobé tout le monde en me pensant supérieur(e), ou étais-je si intimidé(e) qu’il m’a fallu recourir à mon costume de pédant(e) pour camoufler au mieux mon manque de confiance ?

Etais-je moi le jour où je me suis habillé(e) de façon provocante pour attirer les regards qui, pensais-je peut-être à tort, ne se seraient jamais posés sur ma personne ?

Etais-je moi lorsque j’ai par empathie partager le trouble d’un de mes semblables ou me suis-je donné bonne conscience en compatissant…

Les actes sont-ils toujours gratuits ??? Là n’est pas la question.

La claque de « l’habit ne fait pas le moine » devient donc une caresse…

Autre dicton ou phrase toute faite qui m’horripile et qui cette fois mérite un crochet de la droite :

Dans le fond,

En fait il a bon fond….

Alors à toutes celles et ceux qui ont un bon fond mais le cache sous des tonnes de je ne sais quoi, faites le remonter à la surface une bonne fois pour toute, parce je vous le dis : il ne vous sert à rien, son existence n’a de sens que pour autrui…

Et que penser de ces phrases qui dégoulinent de mauvaise foi :

« Je ne juge pas… je ne me permettrai pas de juger… »

Pourquoi juger serait péjoratif, on ne parle pas de jugement dernier mais on juge à tout va.

Impossible de faire autrement, nous portons tous une réflexion sur l’autre qu’elle soit sur son physique, son comportement, son niveau intellectuel, ses goûts, sa culture…tout y passe même sa famille, ses ami(e)s.

Arrêtons donc de nier l’évidence et de décréter que nous ne jugeons pas mais émettons un avis sur…. BLA BLA BLA

C’est dans notre nature car pour exister il faut qu’il y ait l’autre et quand l’autre paraît, on se compare….

Aucune méchanceté de prime abord, une certaine façon de se rassurer soit en se disant :

Ouf je ne suis pas seul(e) à penser ou à être comme cela !

Ouf il y a pire que moi, plus moche, plus lourd, plus con…..Subjectivité quand tu nous tiens !

Ou

Merde, je ne lui arrive pas à la cheville….Alors s’installe la jalousie, l’envie, qui débouche sur la connerie universelle…chercher vaille que vaille ce qui ne va pas chez l’autre, le défaut maximum….On trouve toujours ! Il manquerait plus qu’en plus d’être tout, la perfection l’ait atteint aussi.

Enfin cette phrase qui me flingue nette : je ne suis pas raciste mais…. Qui s’accommode d’ailleurs assez bien avec j’aime pas Sarko mais il faut avouer que….

Tu l’es ou tu ne l’es pas….Tu aimes ou tu n’aimes pas.

Reenfin il faut gérer :

A tout va, il faut savoir gérer. Eh bien moi je ne sais pas gérer…

vendredi 12 février 2010

Je vous aime

Le jour où l'on devient maman est certes le plus beau jour de sa vie... Mais pour moi et sûrement pour d'autres femmes, il fut l'instant où la panique la plus totale s'est emparée de tout mon être. La peur au ventre, l'angoisse, l'incapacité de se raisonner...bref à l'instant où je devais être à la hauteur, assurer, protéger, j'étais pour la première fois face à moi, à la responsabilité immense que j'avais prise neuf mois avant, sans avoir aucunement conscience de ce que signifiait ETRE MERE. Cette peur qui m' habitait depuis si longtemps sans comprendre pourquoi, s'est matérialisée, a pris tout son sens. L'importance de la vie. Plus rien n'avait véritablement d'intérêt... plus rien, excepté ce petit bout de moi. Alors me voilà submergée par une émotion, une vague de trop plein. Etrange instant où l'oxymore prend toute sa place, un trop plein de vide. Comment retituer à sa juste valeur le degré d'inquiétude qui m'inonde. Je suis responsable d'une vie en dehors de ma propre existence. J'ai l'impression étrange que mes veines ne contiennent plus le même sang. Le flux de liquide qui traverse mon corps me paraît palpable. J'ai froid, suis heureuse, comblée mais perdue. J'ai un élan d'amour qui sort de mon coeur sans que je ne puisse le contrôler... Je n'ai plus peur pour moi, j'ai peur pour elle. Ce petit rien mais plus que tout vient de quitter son cocon pour entrer sans bouclier dans le monde des hommes. Plus ne sera jamais comme avant.... Je ne suis pas prêtre... pas maintenant, pas encore... Il fallait y penser avant... Alors j'implore les Dieux, les puissants, je prie comme jamais, je supplie.... Protégez la... ma petite, ma poupée, mon enfant... oui mon enfant... c'est mon enfant. L'épée de damoclès cette fois est suspendue au dessus de ma tête et pour longtemps, pour toujours. Alors j'implore toujours plus fort, à genoux, que toute douleur, toute maladie, toute souffrance me soit adressée mais par pitié qu'elle épargne ma petite. Je vous donne tout, je prends tout mais je vous interdis de lui faire du mal... Les jours, les années ont passé, elle a 17 ans et j'ai toujours aussi peur pour elle... Mais l'amour ne se résume pas qu'à cela... la terreur qui vous ronge cohabite avec le bonheur... c'est sûrement la définition de la vie. Et puis malgré cette trouille qui vous colle à la peau, la confiance se fait plus forte, écrase quelques temps cette foutue trouille... Je l'élève du mieux que je peux, tente de ne jamais lui communiquer ma peur et fais confiance à la vie. Je ne serai pas l'héroïne de "l'Arrache Coeur" de Vian, Je n'érigerai pas de tours ou de barreaux autour d'elle pour mieux la protéger. Ma peur ne sera jamais sa prison. Aujourd'hui je suis fière oh oui fière parce que ma poupée devenue femme n'est pas rongée par l'angoisse... elle vit, regarde le monde bouger, s'ouvre aux expériences sans crainte mais sans témérité. Merci à toi parce que tu me réconfortes, parce que tu me renvoies une image de moi qui m'a été difficile à capturer... Dans tes yeux je vois, je lis enfin que j'ai su transmettre malgré toutes mes névroses, l'immense amour que je te porte. Et à vous deux mes petits chats, mon petit gars, ma petite princesse, numéro 1 et numéro 2, qui avaient envahis mon espace et qui m'avaient montré et démontré que l'on n'est jamais rodée, qu'être maman se réapprend à chaque fois, vous qui me démontrez que je suis aussi démunie malgré l'expérience... A vous deux mes trésors qui avaient réveillé de nouveau la panique en moi, qui avaient, malgré vous, empêché le bonheur total de m'habiter, parce qu'il ne trouvait pas sa place phagocité par cette torpeur incontrôlable... Putain je ne sais pas faire, je ne sais plus... Je panique...je les aime tellement, j'ai tellement peur pour eux... Maîtrise bordel... maîtrise... surmonte cette peur, laisse place au rôle qui t'incombe... Mais je ne joue pas, ces instants là ne sont pas de vulgaires scènes que l'on peut reprendre à l'infini... Coup de clap, action, ça tourne... Calme... Respire, fais de ton mieux... La peur ok mais fais une place à l'amour. Voilà ce que le vendredi inspire à une maman qui a laissé ses petits à leur papa...Et qui va compter les jours en attendant leur retour. Je vous aime et je vous dédie ce poème.

JE NE SAIS PAS

Je connais la colère qui gagne

Ceux à qui on annonce la nouvelle

Je sais comment la hargne

Coule après dans leurs veines

Je connais ces prières lancées

Même quand on ne croit pas

Ces portes d’églises poussées

Pour la toute première fois

Je sais trop bien les larmes

Qui coulent sur les joues

Les « je n’ai pas les armes »

Les « je ne tiendrai pas le coup »

Mais ne me demande pas

De t’expliquer pourquoi

Non, ne me demande pas

Parce que je ne sais pas

Je connais les visages creusés par la souffrance

Les yeux vidés d’espoir, trop remplis de détresse

Ceux qui te disent qu’il n’y a plus d’espérance

Et les regards perdus de celles et ceux qui restent

Je ne l’ai que trop vue cette douleur innommable

Chez ceux qui donnent tout mais qui ne peuvent rien

Et qui tombent à genoux quand vient l’insupportable

Ecrasés par leur inconsolable chagrin

Je l’ai trop entendu ce silence bruyant

Que laissent ceux qui ne sont plus

A ceux qui sont vivants

Et je connais aussi les remords qui hantent les pensées

Tous ces « j’ai eu tort » répétés par ceux qui sont restés

Mais ne me demande pas

de t’expliquer pourquoi

la vie c’est aussi ça

Oh non ne me demande pas

l’expliquer, je ne sais pas

Ne me demande pas

pourquoi la vie c'est aussi ça

Ne me demande pas

Maman ne sait pas

mm

vendredi 5 février 2010

Je vais tourner la page, changer de paysage

Je ne veux pas te connaître mieux qu’avant

Et encore moins à cent pour cent

Espérer pour qu’on reste ensemble

Que doucement on se ressemble

Je ne veux rien enlever de toi

Aimer ce que tu es, t’aimer comme ça

T’aimer dans l’absolu, tout entier

Sans jamais vouloir te changer

Il va me falloir m’en aller

Pour préserver ce qui est vrai

Devancer ce que tu aurais fait

Et triompher de nos lâchetés

J’serai pas capable, je te l’avoue

De voir que nos manques, nos faiblesses

Après nous avoir rendu fous

Laisseront le temps faire le reste

Je vais sonner le grand départ

Laisser notre amour où il est

Le protéger de nos déboires

Le laisser libre d’être à jamais

Pour ne pas avoir à constater

Que ce qu’on s’est dit, ce qu’on a voulu

On l’a pas fait, même pas tenté

Mais qu’on s’est lentement perdus

Pour ne jamais avoir à te fuir,

A te mentir comme je respire

A t’adresser de longs regards

Chargés de tout mon désespoir

Je vais sonner le grand départ

Pour pas qu’un jour je te déteste

Te rende coupable de tous tes gestes

Je vais te protéger de mon mépris

T’en éloigner, te mettre à l’abri

Je vais partir, il est grand temps

Pour ne pas sombrer dans l’illusion

Ne pas glisser vers le semblant

Et retarder la trahison

Les concessions, les compromis

Sont des mensonges maquillés

Des évidences que l’on nie

Des débuts de fins retardés

J’serai pas capable, je te le dis

De voir que nos manques, nos faiblesses

Après nous avoir tout pris

Laisseront le temps prendre le reste

Je vais sonner le grand départ

Laisser notre amour où il est

Le protéger de nos déboires

Le laisser libre d’être à jamais

jeudi 4 février 2010

Fragilité

Je ne suis pas de ces filles

Qui aiment les hommes forts et virils

Ceux qui assurent sur toute la ligne

Ignorent le doute, Echappent au vide

Et je n’aime pas non plus ces hommes

Au costard trop bien taillé

Chez qui nul sentiment ne déborde

Parce qu’être pour eux, c’est maîtriser

Je ne suis pas de ces filles

Qui pensent que le chagrin

Est une faiblesse imbécile

Qu’aucun vrai mec n’en est atteint

Je ne suis qu’une de ces femmes

Qui ne partage pas le monde en deux

Les cowboys, les vrais mâles

Les paumés, les peureux

Moi, j’aime les hommes un peu fragiles

Au regard souvent ténébreux

Qui difficilement se livrent

Mais ne jouent jamais de double jeu

Moi, j’aime ces hommes blessés, cassés

Usés sûrement par trop de peine

Bien plus honnêtes que les faux vrais

Qui se ramassent à la pelle

Moi, j’aime ces hommes maladroits

Qui trébuchent, font des faux pas

Qui se perdent même parfois

Cherchent dans un ailleurs ce qu’ils n’ont pas

A ceux-là j’aimerais hurler

Qu’ils ont raison d’être comme ça

Que faire semblant, simuler

C’est se mentir d’abord à soi

Je rêve de cet homme, cet homme là

Qui osera me livrer ses peurs

Parce qu’il aura perçu en moi

L’envie d’arracher sa douleur

Ensemble nous braverons la torpeur

Des lendemains dont on ne sait rien

Saurons que le pire comme le meilleur

Croiseront encore notre chemin

Mais unis nous seront vainqueurs

Car l’alliance de nos solitudes

Enverra s’exiler ailleurs

Ce poison, cette torture

L’insupportable conviction

De ne pas avoir trouvé sa place

L’échiquier avait déjà tous ses pions

Sur nous il a fait l’impasse.

mercredi 20 janvier 2010

CONVICTIONS

Je ne sais pas, je ne sais plus... La colère me gagne devant nos intentions velléitaires... je suis coupable comme beaucoup d'entre nous. Mais bon sang s'il y a bien une chose pour laquelle il faut se battre, être honnête, sincère, une chose qui devrait balayer notre orgueil, nos doutes, nos peurs... c'est l'amour. On en veut tous, on en manque tous, on le cherche, on l'espère... mais pauvres de nous on le maltraite, on le bâcle, on l'ignore une fois qu'il s'offre à nous. Impardonnables, nous le serons si nous n'y changeons rien.

Bien sûr tu essaieras

Comme d’autres l’ont fait avant toi

De lui montrer la voie

Qui mène à ce que tu crois

Tu t’entendras répondre à ces foutues questions

Qui t’ont laissé souvent dans l’interrogation

Tu lui expliqueras à renfort de dictons

Qu’il suffit de vouloir, d’y croire pour de bon

Et pourtant….

Tu ne lui diras pas tes rendez-vous manqués

Avec tes convictions si bien ancrées

Toutes ces belles évidences qui te faisaient bondir

Et qui passé le temps, ont dû s’évanouir

Tu ne lui confieras pas

Ce que tu n’as pas aimé voir

Que tu as laissé faire parfois

En détournant le regard

Pas plus que ce que tu as pu entendre

De faux de moche, de pire

Et que t’as laissé se répandre

Sans même le contredire

Tu te feras l’écho

De toutes ces intentions

Qui flottent dans les airs

Et perdent leur raison

Bien trop belles et sincères

Pour pouvoir toucher terre

Elles sont restées derrière

Recouvertes de poussière

Tu ne lui diras pas tes rendez-vous manqués

Avec tes convictions si bien ancrées

Toutes ces belles évidences qui te faisaient bondir

Et qui passé le temps, ont dû s’évanouir

COUPABLES

Victimes ou coupables

On est tous un peu responsables

De ce que l’on dénonce

Sans chercher de réponse

Facile de lyncher

A tour de bras de condamner

Notre belle ignorance

Nous sert bien souvent de défense

On crie on s’insurge

On manifeste et on conteste

On se prend pour des juges

On en oublie le reste

Nos actes manqués

Nos promesses laissées de côté

Toutes ces belles paroles

Restées figées en plein vol

On refait le monde

Plus beau, plus juste, moins agressif

Une belle table ronde

Sur de faux motifs peu réalistes

Puisque ne penser qu’à soi

Ça ne se dit pas, ça ne se fait pas

On scande le partage

Pourvu qu’on fasse partie du voyage

On crie on s’insurge

On manifeste et on conteste

On se prend pour des juges

On en oublie le reste

Nos actes manqués

Nos promesses laissées de côté

Toutes ces belles paroles

Restées figées en plein vol

Constat d’insatisfaits

Chargés de manque, d’insuffisance

Qui pour s’expliquer

Evoquent souvent un manque de chance

On parle d’idéal

De vie conjuguée au plus que parfait

Notre quête du Graal

Réussir enfin, à ne plus échouer

vendredi 15 janvier 2010

FIN DE L'INNOCENCE

Ceux qui liront mon blog se diront très certainement : "elle respire pas la joie cette fille là". Ils auront raison. Il m'est impossible de nier, d'ignorer ou de balayer, ce qui me touche, me boulverse, me chamboule, me déglingue... dans le but de me préserver. Trop fragile, me direz-vous ! Bien sûr que non, juste ce que j'estime la normalité absolue. Nous autres les humains sommes faits de chair et de sang mais aussi d'émotion, de sensibilité, de réflexion. Nous sommes tour à tour les témoins, les acteurs de la vie, de nos vies, nous sommes la mémoire des évènements qui renversent une société, une nation, un monde. Rester dans l'ignorance parce que c'est plus simple, commode et surtout plus confortable est condamnable. Je ne prétends pas faillir à ce que j'estime être plus qu'un devoir mais je retarde parfois, juste quelques instants, le choc effroyable que je vais subir. L'évidence est imparable, il m'est Impossible, totalement impossible de faire comme si je ne savais pas. oh oui ça fait mal, ça perturbe à jamais sa vision des Hommes, de l'humanité. Nous voilà devant la potentialité toujours imminente de la cruauté de nos semblables ; et peut-être même de la nôtre. Cette barbarie qui nous cognera en pleine face et nous laissera à genoux. Si elle a surgi, elle pourra ressurgir. Alors pour ne pas à avoir à se relever cabossé, efforçons nous de lutter pour retrouver ce que nous n'aurions jamais dû perdre...notre regard sur le monde.

Mémoire : Etrange activité qui permet d’emmagasiner, de conserver et de restituer des informations. Esprit : siège de souvenirs. Qu’en est-il du mien ? Ma mémoire défaille parfois, les souvenirs se mélangent, les dates se perdent. Mes souvenirs sont-ils réellement les miens ou seulement la représentation que j’en fais ? Ma mémoire n’est-elle pas fabriquée ou influencée par des supports photographiques, des bribes de conversations que j’ai enregistrées au fil du temps ? Sûrement, mais une chose est sûre, je me rappellerai toujours ce jour là. Cette émotion fut mienne, je ne peux l’avoir inventée, je l’ai vécue.

Je devais avoir une dizaine d’années. Ma vie de petite fille se résumait à l’amour que je portais à mes parents, selon moi, les plus beaux et intelligents de toute la terre et à mes activités d’enfant. L ‘école était une seconde maison où l’autorité parentale était supplantée par des institutrices souvent antipathiques et froides. Sage et obéissante, je me contentais de recevoir le savoir qu’elles m’offraient sans analyser ce qui m’était dit. Vierge de connaissance, ma naïveté m’entraînait vers une totale crédulité. Dépourvue d’expérience critique j’ingurgitais tout sans scepticisme.

Dans mon cocon familial, chaque soir après le dîner, j’étais invitée à rejoindre ma chambre pour une petite lecture avant de m’endormir. Regarder la télévision n’était pas autorisé, à l’exception des veilles de week-end et seulement si le programme le permettait. Ce dimanche là, rien ne supposait qu’il me soit possible d’enfreindre la loi si ce n’est le départ inattendu de mes parents pour une soirée professionnelle. Ayant reçu les dernières recommandations sur la conduite à tenir en leur absence, je promettais du fond de mon lit à papa et maman de vite m’endormir. La porte d’entrée s’était refermée doucement et j’avais écouté scrupuleusement le cliquetis de la clé dans la serrure, témoignant de leur réel départ. Quelques secondes d’attente me furent nécessaires pour ôter tout risque de retour inopiné. Je me levais, non sans crainte de trahir la confiance de mes géniteurs, mais poussée par une irrésistible tentation de transgresser les ordres. Je m’approchais de cette boîte à images, enclenchais le bouton et me tenais prête pour absorber ce qui défilerait sous mes yeux.

Je regarde … ignore ce dont il s’agit. Ce n’est ni un film, ni une émission récréative… rien d’habituel. Pas de couleur mais des images en noir et blanc qui ne me plaisent pas. Tous ces gens aux pas saccadés foulant le sol au rythme d’une musique lente et pénétrante, m’angoissent. Le paysage austère m’oppresse… Aucun commentaire n’éclaire mon ignorance, pas de dialogue non plus. Soudain, les notes musicales cessent et font place à un crissement infernal de roues en acier, pour ces trains qui n’ont pas l’allure de ceux que j’ai pris pour aller en vacances. Des hommes, des femmes, des enfants inondent l’écran, des uniformes s’imposent. De ce bruit insupportable jaillissent des barbelés et des baraquements. Mais quel est donc ce lieu si froid et terrifiant où sont amassés contraints et forcés ces mamans et papas d’un autre monde, ces enfants qui n’ont pas la même chance que moi ? Toujours nul commentaire mais des visages apeurés, des bouches tremblantes laissant supposer des cris et des pleurs perceptibles bien qu’inaudibles… puis d’autres gens aux visages creusés, tous habillés d’un même pyjama. Ils ne sont pourtant pas chez eux … Non ! ils sont en prison ! Pourquoi ? Qui sont-ils ? Pourquoi ces petits garçons et ces petites filles ? Pourquoi sont-ils punis ? Je suis terrifiée, mon cœur s’emballe. Ces regards effrayés et perdus, cette maigreur me consternent. Je ferme les yeux de peur ; les ouvre devant l’horreur. Des fosses remplies de cadavres nus. Je suis anéantie… Puis soudain, un mot s’inscrit : SHOAH. J’éteins au plus vite ce téléviseur de malheur, je veux oublier. Je retourne dans ma chambre pour m’enfouir sous les draps, je veux perdre la mémoire, ne jamais me souvenir et pourtant… il me faut savoir. Je m’empare du dictionnaire, cherche le mot… S.H.O.A.H. Mes yeux se troublent devant sa définition. ANEANTISSEMENT, GENOCIDE, EXTERMINATION de millions de juifs par les nazis durant la seconde guerre mondiale. Je hurle mon horreur. Je prends conscience de la véracité de ce que j’ai vu et entendu. Je viens de comprendre que l’homme est capable du pire. Je sais, et c’est la première fois de mon existence, qu’il peut tuer, massacrer son prochain… que sa folie n’a pas de limite, qu’au nom d’une idéologie, il peut rassembler les foules pour mieux les désunir. Mon petit paradis s’effondre, la vie c’est donc aussi cela. Je voudrais m’endormir et effacer de ma tête ses images d’horreur, je voudrais ne pas y croire mais ma mémoire jure de ne jamais oublier.